«
Hey salut. » La fille en face de moi se retourna et me regarda bizarrement. «
On est ensemble en classe d'économie, je t'ai vue ce matin. » C'était normal qu'elle me regarde de la sorte. C'était mon premier jour de cour, je l'avais aperçue à l'autre bout de la classe. Elle ne m'avait sûrement même pas vue pour sa part. «
Je m'appelle Savannah et toi ? » Je tendais ma main, pour faire connaissance. Oui, c'était la première fois que j'étudiais dans une école publique, avec plein de gens et surtout des gens de tous les sexes, sans bonnes soeurs partout. J'étais aux anges, contrairement à mes parents qui n'avaient absolument pas eu le choix. C'était ça ou ... faire une croix sur un avenir professionnel fructueux. Ma mère avait bien pensé à faire venir un prof particulier à la maison mais … après l'avoir reçu en petite culotte, lui avoir fait croire que je me faisais battre à la maison, et m'être cachée pendant trois heures dans le grenier, ils avaient finit par céder à mon caprice. Ce serait l'école publique. «
Euh … appelle moi Robyn ça ira très bien. » Hésitante, elle finit par serrer la main que je tendais. Je me rendis alors compte que ce n'était peut-être pas obligatoire la poignée de main dans le monde normal.
[…]
«
Je peux m'asseoir là ? » Non je ne la suivais pas, quoique. Elle me répondit affirmativement de la tête. Je pris alors place en souriant. Elle avait été l'une des seules à ne pas me rejeter lorsque je lui avais parlé du mode de reproduction des baleines …
[…]
«
Tu viens à la fête ce soir ? » «
Carrément, compte sur moi. » Mes parents avaient bien entendu refuser. Mais je n'allais pas me contenter de leur désapprobation, ce serait mal me connaître. Cela faisait désormais deux ans que j'avais pris la liberté de mener ma vie. Je vivais chez mes parents, mais je mettais un point d'honneur à ne pas les écouter. Il me disait blanc, je faisais noir, tout simplement. Robyn ne s'étonnait donc plus de m'attendre en bas de ma fenêtre, derrière la maison avant de sortir. J'aurais d'ailleurs pu sérieusement considérer de me lancer dans une carrière de cascadeuse. Cascadeuse sexy. Je descendais en sous-vêtements, avant d'enfiler ma robe du soir sur le gazon parfaitement tondu.
[…]
«
Savannah ! » «
Mmh ... » J'ouvrais à peine un oeil, opération trop compliquée pour moi. J'avais l'impression qu'un quinze tonnes roulait sur ma tête. Quel salaud. «
SAVANNAH JOY KAYLA ! » Une porte claquait après l'interjection de ma mère. Une interjection pas vraiment amicale. Je faisais alors un effort pour ouvrir mes deux yeux et je me redressais légèrement dans mon lit. Je devinais ma mère, debout devant mon lit, l'air furax. Très furax. «
Tu … tu … tu peux me dire ce que c'est que … ça ? » Elle pointait du doigt un truc à côté de moi. Les sourcils relevés, totalement dans l'incompréhension et une main sur mon front, je tournai le regard pour suivre le doigt de ma mère. Je m'attendais à voir un porc épic ou un dinosaure, mais non. C'était Robyn. «
Ca … c'est une fille maman. T'en as jamais vu ? » Robyn était également réveillée et avait l'air tout aussi beurrée que moi. La soirée avait été bonne. Très bonne. L'alcool avait légèrement trop coulé. «
Qu'est-ce que … pourquoi elle est là ? » «
C'est plus facile pour coucher ensemble d'être dans le même lit tu sais. » J'affichais un sourire alors que Robyn me donnait un coup de pied dans mes tibias, l'air désapprobateur. Oui je mentais, et alors ? Suite aux cris stridents de ma mère, mon père débarqua à son tour. Oh joie. «
Ne me dis pas que … que ... » «
Oui on sors ensemble, et je l'aime. » J'embrassais alors Robyn sous les yeux outrés de mes parents. Oh rien de tout ça n'étais vrai. Mais j'adorais emmerder mes vieux. Et au fait … Robyn embrassait bien. Intéressant comme découverte. Bref. Mes parents avaient fuis, nous laissant morte de rire. «
T'es con Savannah Joy Kayla, tu veux tuer tes parents ? » «
Comment t'as pu retenir ça alors que t'es bourrée ? » Je lui donnais un coup de coussin alors qu'elle avait appris une chose de plus sur moi. La seule chose qu'elle ignorait peut-être.
«
Mais attends, oui t'étais bizarre comme fille. On se connaissait depuis dix minutes que tu m'as dis qu'une baleine pouvait éjaculer jusqu'à 1800 litres de sperme ! » «
Mais c'était capital comme information ! Je venais de découvrir ça et … j'en revenais pas quoi. » J'essayais de me défendre mais c'était peine perdue. Jusqu'à mes dix-huit ans je n'avais pas connu la vie. Alors j'avais foiré. Enfin à moitié. Robyn avait dû me prendre pour une folle furieuse, mais elle ne m'avait pas rejetée. Non. D'ailleurs, on était encore là, huit ans plus tard à rire de cette scène, confortablement installées dans notre canapé. Qui pouvait croire qu'une histoire de baleine allait me faire rencontrer ma meilleure amie ?