SHAKE ◮ c'est l'histoire de la vie, ce cycle éternel

© rpzipemup @tumblr.

shakepeare jillians blackrain

❝ faut j'me dégote un psy super balaise si je veux pas finir l'histoire en vrac ❞

vingt-trois ans ∞ vingt-deux janvier 1989, Irlande, Collinstown ∞ sapeur pompier ∞ palmerston

quelques petites informations:

La cloche sonna, et je rangeais bien mes affaires, soigneux. Dans ce village, il n'y a qu'une école et si on veut aller au lycée, il faut aller en ville. Ici, c'est vraiment typique de l'Irlande : des maisons toutes mignonnes, des champs, des pubs, des petites ruelles, des gens sympa, des matins très frais,... De temps en temps, on reçoit quelques touristes qui veulent savoir ce que c'est de vivre comme un irlandais de campagne. Je deviens souvent leur guide, je n'ai pas beaucoup d'amis à l'école... Ce sont tous des idiots qui se moquent de mon prénom... Je vois pas en quoi s'appeler Aindiru ou Aithbhreac, prénoms irlandais, est plus classe que Shakespeare. J'avais l'habitude de rentrer tout seul à la maison, mais cette fois, ce fut différent. Je saluais la maîtresse et sortais après tous les autres, pour éviter qu'on me bouscule. Mon sac-à-dos sur le dos, je sortis de l'établissement en silence, invisible, comme presque toujours. « Allez, dépêche-toi, j'ai pas que ça à faire ! Passe-moi l'argent que tes parents t'ont donné ! » Sont-ils en train de la voler ? Je n'avais jamais vu cela auparavant, à Collinstown. « Arrêtez, elle n'a rien fait », Dis-je en passant entre deux garçons. Ils rirent et cela me déplut énormément : on se foutait de moi à longueur de journée, pas la peine d'en rajouter. « Peut-être qu'elle a pas d'argent ! » — « Tu crois qu'elle l'achète avec quoi son goûter ? Allez, passe le tien aussi ! » Je refusais et un des garçons m'envoya valser. Ma tête percuta le lampadaire. Ma tête percuta le trottoir. Trou noir. [...] « Il se réveille ! Docteur, venez vite ! Il s’est réveillé ! » Tout semblait flou, mais je me savais là, présent, dans le monde réel. Mais impossible de savoir qui parlait, qui était à mes côtés. Je sentais l’agitation augmenter autour de moi et doucement, j’essayais d’ouvrir les yeux pour comprendre. « Eh bonhomme, je suis le Docteur McCarlton, comment te sens-tu ? » Je ne répondis pas tout de suite, ne reconnaissant aucune personne autour de moi. « Qu’est-ce que je fais ici ? » — « Tu étais dans le coma, tu viens tout juste d’en sortir. Tu es très résistant comme garçon » C’était ça… Mais aucun souvenir ne me revenait. Aucun. « Mon chéri… Tu es enfin là… » Je tournais la tête vers l’origine de la voix. « Qui êtes-vous ? Pourquoi m’appelez-vous ‘mon chéri’ ? » La femme, sous le choc, éclata alors en sanglots. Je ne compris pas, mais le médecin, lui, semblait avoir reconstitué le puzzle. […] Amnésie. Je ne me souvenais d’aucun moment passé en famille, d’aucun de mes enseignants, d’aucun de mes camarades. Je savais encore parler, encore heureux, et il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour relire et écrire. J’ai cependant du aller en réeducation. Tous les jours, on me montrait des photos, on m’expliquait la vie que j’avais avant. On m’a raconté que si j’avais été dans le coma, c’est parce que j’avais été courageux. Mais qu’importent les efforts de mon entourage, le vide était toujours là. Mon enfance avait complètement disparu.

« Quoi ? » Assis sur la chaise de mon bureau, je me retournais vers ma petite amie. Vous vous souvenez d’elle ? Des jeunes avaient voulu la racketter, et j’avais terminé dans le coma après avoir joué aux héros. Là ? Elle était venue me rendre visite à l’hôpital, tous les jours, et elle m’avait accompagné aux rééducations. Ses parents n’ont jamais refusé, normal. Après cet accident, ma vie a complètement changé. Mes souvenirs ne sont jamais revenus, j’ai du réapprendre à vivre. On m’a raconté que les élèves s’étaient toujours moqués de moi avant, mais tout ce dont je me rappelle, c’est d’être une sorte de star. La plupart des élèves qui veulent déjeuner avec moi, la plupart des élèves qui sont honorés quand je les invite à une soirée, la plupart des filles qui gardent un super souvenir si je les ai un jour embrassées… Quoi qu’il en soit, j’ai fini par sortir avec Grace, ça fait maintenant deux ans. Et là ? Elle venait m’annoncer qu’elle voulait casser. « Avant… T’étais un garçon discret, qu’on ne connaissait seulement parce que tu t’appelles Shakespeare… Puis avec ta popularité qui a augmenté, t’es devenu quelqu’un d’autre » Je le prenais plutôt mal, croyez-moi. Je levais un sourcil en lui demandant en quoi j’avais changé, puisque je n’avais aucune idée du genre de personne que j’avais pu être. « Maintenant ?! T’es devenu un mec qui se fout de la gueule de celui qui est différent. Tu es celui qui se moque, alors qu’un jour, tu as été celui dont on se moque » Je me levais et soupirais. « Et tu veux que je redeviennes ce gars ? Désolé Grace. Désolé de m’être fracassé la tête après être intervenu en ta faveur, et désolé de ne pas retrouver la mémoire, de ne plus savoir qui j’ai pu être ! » Mes mots étaient durs et martelés. « J’ai peut-être été un doux et adorable petit garçon, mais j’ai grandi sans un seul souvenir de lui, alors excuse-moi si tu me trouves différent » La dispute continua ainsi pendant encore longtemps. Mes parents devaient probablement tout entendre, le niveau du son augmentant au fur et à mesure. Finalement, elle quitta ma chambre et je claquai la porte sur elle. J’étais hors de moi. Comment pouvait-elle m’en vouloir pour ça ?! J’en étais plus dégoûté qu’autre chose. Je n’aurais jamais du entrer dans le conflit ce jour là… J’aurais sauvegardé ma mémoire et bien plus encore. Je m’allongeais dans mon lit et laissais pour la première fois une larme rouler sur ma joue. Quelqu’un toqua doucement mais je ne répondis rien. La personne vint se coucher près de moi pour me prendre dans ses bras. « Maman… » Avec toute la tendresse d’une mère, elle m’invita à passer à autre chose le plus vite possible, pour ne pas souffrir. « Elle n’en valait pas la peine, mon ange. Elle n’avait peut-être pas d’autre excuse… » Je ne dis rien, mais au fond de moi, je me fis la promesse de ne plus jamais avoir de relation sérieuse. C’est trop douloureux, on en demande toujours plus, et on finit inévitablement par souffrir. La nuit passa, sans que je ne bouge. Les yeux fermés, je ne dormis pas. […] « Papa, maman… J’ai réfléchi cette nuit et… Je veux quitter Collinstown. Nan ! Laissez-moi finir. Vous avez vu la taille du village ? J’ai eu mon diplôme, j’ai dix-huit ans… Je crois qu’il faut que je pense à mon avenir, et maintenant, il n’y a que vous qui me retenez ici. Que vous le vouliez ou non, je vais quitter cet endroit. J’ai des rêves plus grands » — « Mais qu’est-ce que tu vas faire, ailleurs ? » — « J’ai toujours eu cet élan naturel dés qu’il s’agit de sauver des vies. Je pensais me lancer dans une carrière de sapeur pompier… » Contre toute attente, ils comprirent mes arguments et me laissèrent partir. Je ne suis jamais retourné à Collinstown, mais je passais quelques années à Dublin avant de m’envoler pour Toronto. Cette fois, mes parents désapprouvèrent mais j’étais en âge de prendre mes propres décisions. Je leur enverrai une lettre quand j’éprouverai le besoin de les retrouver.
« Shakespeare,
Tu es sûrement déjà parti, mais nous t’envoyons cette lettre dans l’espoir que tu habites toujours ici, que tu es toujours à Dublin pour quelques jours. Nous aimerions que tu nous pardonnes. Tu peux faire ce que tu veux, mais si nous avons été contre ton départ pour le Canada, c’est avant tout parce qu’il n’y a pas que nous qui te retenons en Irlande. Grace nous a défendu de te le dire mais nous ne pouvons plus garder cela secret, pas à toi. Plusieurs mois après que tu nous aies quitté, elle a donné naissance à une fille, Rose. Elle est probablement de toi, mon chéri… Elle n’a pas voulu que tu reviennes, elle s’en occupe seule avec ses parents et son actuel fiancé, mais si tu reçois cette lettre, ne pars pas. Reste. Nous ne savons pas quoi te dire d’autre… Cette nouvelle est peut-être déjà de trop…
Nous t’aimons Shakespeare. Reviens à Collinstown.
Ton papa et ta maman. »
Cette lettre resta dans l’enveloppe pendant un moment. Le nouveau locataire de l’appartement n’osa pas l’ouvrir, et il chercha ce Shakespeare Blackrain pour lui transmettre ses derniers courriers. Mais il ne trouva pas sa nouvelle adresse. Après quelques mois, il brûla les quelques enveloppes. Il brûla la lettre.

Je posais ma tête contre le mur. Attendre, toujours attendre, et la patience ne fait partie de mes qualités, bien que j’en ai plutôt beaucoup. Sans trop de gêne, alors que tous les autres jeunes voulant cet appartement restaient debout, je me laissais tomber jusqu’au sol. Quitte à laisser passer le temps, autant être « confortablement » installé. Je baillais sans oublier de mettre la main devant la bouche, très important, et fermais les yeux pour quelques secondes, essayant désespérément d’oublier l’horrible parfum du garçon à côté de moi. Discrètement, je relevais la tête vers lui : il pensait vraiment qu’il pouvait avoir l’appartement ? Parfum dégueu ou non, il n’avait rien pour lui… Je le voyais bien en études d’informatique… Ou de biochimie. Enfin un truc d’intello, quoi. Pour éviter qu’il ne me voie, j’arrêtais mon observation qui n’engendrait que des moqueries et refermais les yeux. Je les rouvris quand un homme blond et sportif sortit de l’appartement. Pfft, pas la peine de se pavaner comme ça, il n’est pas le seul blond bien foutu ici… Une jeune fille brune, plutôt mignonne et pas grande, passa pour entrer. Je lui souris, me demandant si j’avais besoin de sortir ce soir… Plusieurs longues minutes s’écoulèrent durant lesquelles l’ennui se saisit à nouveau de moi, créant ce doux mélange avec l’odeur du garçon : à vomir. La jeune fille sortit, je lui souris à nouveau, et passais à mon tour le pas de la porte pour finalement arriver devant une jeune fille et un jeune homme. Je devrais même dire une jolie jeune fille… Passons, ce n’est pas vraiment le moment ! Ou peut-être que si, puisque je suis censé me vendre. Ils me saluèrent, je ne manquais pas de les imiter. « Bonjour ! Euh… Je dis ça comme ça, mais y a un gars dans le couloir, il a mis un parfum immonde. Ça empeste, c’est incroyable ! À votre place, je le laisserais pas venir jusqu’ici, c’est une contamination, je peux même plus me supporter moi-même ! » J’en profitais pour sentir ma chemise. Certains jours, je me demande pourquoi est-ce que j’ai un aussi bon odorat, c’est injuste. Je m’asseyais face à eux, attendant leurs questions, fatales. « Tu t’appelles ?... » — « … … … … Shakespeare. C’est pas une blague. Je pense que mes parents ont cru que je deviendrais un grand écrivain si je portais en prénom le nom de famille d’un mec qui a vécu y a quelques siècles… » — « Pourquoi tu veux vivre dans ce quartier ? » — « Vous avez vu les prix à Rosedale et Riverdale ?! Super cher le mètre carré... Être pompier, ça devrait être mieux payé. Nan, sérieusement… » Je m’approchais d’eux avec un air de secret. « Je vais pas vivre dans un quartier de vieux ! J’ai encore l’air jeune, rassurez-moi ? Je suis pas là pour aller faire les courses pour la vieille dame d’à côté, même si je le ferais, je suis là pour rencontrer des gens, des jeunes, comme moi. Autant venir dans un quartier de jeunes, je me trompe ? » Je crois pas. S’il y avait un trait de ma personnalité qu’ils avaient du comprendre : je suis très bavard quand je suis lancé… « T’as des habitudes alimentaires spécifiques ? » Je réfléchis pendant de longues secondes. Loooongues secondes. « Prétendre être allergique à l’ail et à l’oignon pour ne pas en avoir dans ce que je mange, c’est une habitude alimentaire spécifique ? » — « T’aime les animaux ? » — « J’ai un chien en Irlande… Tant que c’est pas moi qui m’en occupe, ça me va. Les animaux ont tendance à mourir avec moi... Je sais pas pourquoi... J'ai accidentellement tué trois poissons rouges, deux cochons d'inde, un hamster, et un moineau... » Bon, j’admets avoir essayé de ramener le chien ici, mais c’était une mauvaise idée, ok ? On fait tous des erreurs… Plusieurs questions suivirent et j’y répondis avec autant de naturel, sans forcer ma personnalité. Je ne pourrai pas leur cacher qui je suis si je venais à vivre avec eux, alors autant montrer directement mon caractère. À la fin de l’entretien, ils me remercièrent et je les remerciai.
« Je peux vous emprunter vos toilettes ? »

Citation :

Par respect pour les personnes avec qui il vit, il ne ramène que des femmes. Des jolies.