- Citation :
❘▶And I've been a fool and I've been blind
I can never leave the past behind
I can see no way, I can see no way
I'm always dragging that horse around
« Caroline ! Caroline, arrête-toi deux secondes. » La jeune femme n'écouta pas et continua son chemin, serrant ses livres de cours contre sa poitrine, fonçant droit devant elle, sans écouter la voix derrière elle. Pourtant, Alban semblait motivé à l'arrêter. Il courut après elle et lui attrapa le bras délicatement mais fermement, tout en l'attirant dans un couloir isolé, plus désert. Le silence s'installa, et il plaqua la jeune femme contre le mur, faisant une impasse devant elle pour ne pas qu'elle puisse s'enfuir.
« Sérieusement ? » demanda-t-elle en haussant les sourcils à la réaction du jeune homme. Il la regarda le plus sérieusement du monde, attendant que quelques secondes s'écoulent pour reprendre la parole.
« Parle-moi. » dit-il presque une voix de supplice. Caroline lui servit un regard innocent, comme si elle ne comprenait pas ce qu'il voulait d'elle. Il soupira, son bras appuyé contre le mur derrière la jeune femme.
« Te fous pas de moi, Caroline. Tu m'évites depuis des semaines, et j'en ai marre. Dis-moi ce qui se passe. » Il était déterminé. Cette distance entre eux qu'elle avait décidé d'installer était en train de le tuer. Il l'aimait comme un fou, elle était tout pour lui. Sans elle, il n'était rien, c'était bien simple.
« Je... Je ne peux rien te dire, Alban. Crois-moi, tu ne veux pas savoir. » Mais qu'est-ce qu'elle lui sortait comme connerie ? Evidemment qu'il voulait savoir, sinon il ne serait pas là en train de le lui demander. S'il se foutait vraiment d'elle, il l'aurait laissée tranquille et n'aurait pas cherché à comprendre. Mais il voulait qu'elle lui parle, il en avait besoin.
« Caroline... C'est moi. Tu me connais, tu peux tout me dire. Et sincèrement, si tu as peur que ça affecte notre couple, si tu as peur de ma réaction, il ne faut pas l'être. Car un silence serait beaucoup plus nuisible. Je n'en peux plus, et je ne pourrais pas te courir après pour le restant de mes jours. Alors soit tu me le dis maintenant, soit c'est fini. » Il la regarda d'une telle façon qu'elle ne pouvait pas douter de la sincérité de ses propos. Si elle plongeait son regard dans le sien, elle pourrait s'apercevoir qu'il ne supportait plus cette situation, et qu'il était prêt à s'en aller. Caroline réalisa qu'elle pourrait le perdre en lui avouant ce qui n'allait pas, mais elle le perdrait pour sûr aussi si elle ne disait rien. Elle baissa alors les yeux, et reprit la parole avec une légère voix à peine audible.
« Je suis enceinte. » Alban n'eut pas besoin de lui redemander de répéter. Il avait très bien compris, et il eut premièrement un geste de recul. On dit qu'on voit sa vie défiler quand la mort nous prend. Sa vie venait de défiler sous ses yeux à cet instant précis. La vie telle qu'il la connaissait n'aurait plus lieu d'être. Ces trois mots allaient chambouler son monde à tout jamais. Lorsqu'il releva le regard après au moins cinq minutes, il réalisa qu'il donnait la mauvaise image. Caroline avait les larmes aux yeux, pensant à juste titre qu'il n'accepterait pas cela. Pourtant, il s'approcha d'elle et lui prit les deux mains, les serrant légèrement pour lui montrer qu'il était là.
« On va y faire face. Ensemble. Je t'aime, et je serais toujours là pour toi. » Il essaya de lui donner un sourire sincère, et elle lui sauta au cou après l'avoir embrassé fougueusement. Tandis qu'Alban la serrait dans ses bras, il commença à penser aux conséquences de cette nouvelle. Certes, c'était la fin de l'innocence, le début des responsabilités et des problèmes. Mais il l'aimait, et il était à la fois l'homme le plus poisseux et l'homme le plus heureux du monde.
Alban rentrait du boulot avec peu d'enthousiasme. Et cela durait depuis plusieurs mois, peut-être même une année. Qu'est-ce qu'il en savait ? Tout ce qu'il savait, c'était qu'il était pris dans une spirale infernale qu'il ne supportait plus.
« Je suis rentré. » dit-il d'un air las, tout en se déshabillant dans le vestibule, posant sa veste sur le porte-manteau.
« PAPA ! » La voix de la petite fille le fit sourire et lui réchauffa immédiatement. Il se baissa pour la réceptionner dans ses bras tandis qu'elle courait vers lui avec enthousiasme. Il la serra dans ses bras et déposa un énorme baiser dans son cou, ce qui la fit rire. Il regarda sa montre et soupira.
« Pourquoi tu n'es pas encore au lit ? Tu as vu l'heure qu'il est ? Allez, monte te coucher, chipie. J'arrive dans cinq minutes pour te dire bonne nuit. » Il sourit et lui donna une légère fessée taquine tandis que la petite fille, Megane, reprenait son chemin en direction des escaliers pour rejoindre sa chambre. Il se releva et alla faire un tour dans la cuisine, où Caroline, son épouse, se trouvait.
« Hey. Comment tu vas ? » Pas de réponse. Caroline était la championne pour l'ignorer complètement, même quand il était à ses côtés. Et ce, depuis l'adolescence. Après tout, c'est ce qu'elle avait fait pendant des semaines avant de lui annoncer sa grossesse. Mais le dénouement avait été heureux. Il n'était pas sûr que ce serait le cas cette fois-ci.
« Tu vas vraiment jouer à ça ? On a passé l'âge de ne plus s'adresser la parole, Caroline. » Sa voix était ferme, mais pas méchante. Il avait mal de subit ce comportement, il ne voulait qu'une chose, c'était la serrer dans ses bras. Mais plus les jours passaient, plus elle devenait inaccessible. Elle le coupait de son monde, de sa vie, et il ne le supportait pas. Cette relation n'était plus saine, ils se détruisaient à petits feux.
« Je ne veux pas te parler, c'est pas compliqué. Et pas nouveau non plus, alors comprend une bonne fois pour toutes et fiche-moi la paix. » Il aurait pu comprendre, la laisser dans son coin et monter voir sa fille. Mais cela faisait des jours qu'ils étaient dans une telle impasse. Il n'en pouvait plus.
« Ca suffit, Caroline ! Arrête de me prendre pour un idiot, et parle-moi, dis-moi les choses. J'en ai marre que tu me rejettes tout le temps et pour tout. On est mariés, merde ! Je ne suis pas n'importe qui. » Il ne voulait pas être mauvais ou violent, mais cette histoire le rendait fou. Il en était malade.
« Tu veux savoir ce qui se passe ? » Le jeune homme la regarda, attendant la suite.
« Je veux divorcer. » Cela eu l'effet d'une claque. Le silence s'installa dans la pièce pendant de longues, très longues minutes.
« Tu ne sais pas ce que tu dis. Pense à Megane. » Il ne se cachait pas derrière sa fille. Certes, il ne voulait pas quitter Caroline. Mais Megane n'était pas à laisser derrière. Il ne voulait pas qu'elle grandisse dans un foyer brisé.
« Je pense à elle, justement. Ce n'est pas bon pour elle de voir ses parents se faire du mal ainsi. Je sais ce que tu vas me dire, qu'il suffit de faire des efforts et que je ne met pas du mien. Oui, peut-être que tu as raison. Mais je ne le veux pas. J'en ai marre de cette vie, j'en ai marre de toi. C'est fini, il n'y a plus rien à faire. Il faut l'accepter. » Elle était son premier amour, la mère de sa fille, son épouse. Comment pouvait-il accepter une telle chose ? Il était prêt à se battre corps et âmes pour elle. Visiblement, ce n'était pas partagé.
« Merde ! » cria-t-il, une larme se déversant sur son visage. Il donna un coup de poing d'une violence déconcertante dans le mur, ce qui fit sursauter Caroline.
« Tu devrais aller te calmer dehors, je ne veux pas de ta violence à l'intérieur de cette maison. Je vais coucher Megane. » Sur ce, elle s'en alla sans un seul regard, et le jeune homme sortit de la maison, marchant sans s'arrêter sous une pluie battante. Quel cliché.
« T'es pas croyable quand même. T'es tellement en manque que tu te mets à draguer les délinquantes. C'est vraiment pathétique. » La voix de Roxana s'éleva dans le poste de police maintenant vide. Une jeune femme venait de se faire libérer après avoir passé quelques heures entre les mains d'Alban, pour vol. Evidemment qu'il l'avait libérée avec un sourire charmeur et une attitude de gentleman. C'était naturel chez lui. Assis dans sa chaise, il sourit, amusé.
« Pourquoi t'es ronchonne comme ça ? Tu as tes règles ? Ou alors, tu es jalouse... » La belle rousse lui fit une grimace comme une gamine de cinq ans, ce qui fit rire Alban. Entre eux, ça n'avait jamais été une réelle amitié, du moins pas une dans laquelle ils se disaient qu'ils s'aimaient et s'amusaient ensemble. Enfin, ils s'amusaient, mais en se faisant chier mutuellement. C'était tellement plus drôle. Et dans un certain sens, c'était aussi très... aphrodisiaque. Roxana lui faisait perdre la tête, et la tension sexuelle entre les deux agents étaient palpables.
« Tu sais, on est les seuls de garde ce soir. Ce qui veut dire qu'on a tout le poste pour nous tous seuls. On pourrait en faire des choses. » Il sourit d'une manière entendue, tout en se levant pour aller se chercher une tasse de café. Il la taquinait comme toujours, et n'était pas sérieux une seule seconde. Pas que ça l'aurait dérangé, mais il savait qu'elle ne serait jamais partante.
« Non merci, être une de tes nombreuses conquêtes ne m'intéresse pas du tout. Tu n'es pas mon genre. » Pourtant, elle avait répondu avec un sourire en coin, qui disparut aussi vite qu'il était apparu, mais Alban eut le temps de le voir. Il but une gorgée de café, avant de la voir se lever et se diriger vers la porte.
« Je vais... faire un tour, voir si tout se passe bien dans le quartier. » Il lui adressa un clin d'oeil entendu, comme s'il savait très bien que ce n'était qu'une excuse pour ne pas céder. Il s'approcha d'elle et lui ouvrit la porte afin de la laisser passer. Mais au lieu de la franchir, Roxana lui sauta au cou, l'embrassant passionnément. Elle le plaqua contre le mur, continuant encore et encore de l'embrasser. Au bout de quelques minutes, elle dût s'arrêter pour reprendre son souffle.
« Tu ne peux pas le dire. A personne. » Alban leva les mains innocemment.
« Je te déteste. » furent les derniers mots qu'elle prononça avant de s'abandonner complètement à lui.
« Oh, tu es rentrée ! J'ai cuisiné. Je sais, c'est rare, et tu vas probablement t'intoxiquer, mais c'est l'intention qui compte n'est-ce pas ? » La voix d'Alban s'éleva dans la cuisine lorsqu'il entendit la porte claquée. Roxana était rentrée. Pourtant, il n'avait aucune réponse. Elle aurait dû répondre, et venir l'embrasser. Elle le faisait toujours. Pourtant, silence radio.
« Roxana ? » La jeune rousse s'introduisit dans la cuisine, les bras croisés sur la poitrine, l'air grave. Il n'avait pas besoin d'être doté d'un QI supérieur pour savoir qu'il allait avoir des ennuis.
« Un problème ? » demanda-t-il d'une voix légère pour essayer de détendre l'atmosphère. En vain.
« Je sais tout, Alban. Pour ta femme et ta fille. » Il était loin de s'imaginer qu'il était question de cela. Il ne lui en avait jamais parlé, car ce n'était pas quelque chose qu'il aimait confié. Son mariage avait été un échec, et il ne voyait que très rarement sa fille, puisque Caroline en avait la garde.
« Ex-femme. Mais... » Roxana ne lui laissa pas le temps de continuer.
« Tu te fiches de moi ou quoi ? » explosa-t-elle, les larmes aux yeux.
« Tu comptais me le dire quand ? Tu ne crois pas que j'ai le droit de savoir que tu as déjà été marié, que tu as une fille ? Merde, Alban. On habite ensemble, et on prévoie de faire notre vie ensemble, ce n'est pas un détail que tu peux te permettre de ne pas mentionner. » Elle essuya une larme dans un geste furieux.
« Je ne te connais pas du tout, en fait. » Le regard qu'elle lui adressa fut plus douloureux que tous les mots qu'elle venait de lui dire.
« Roxana... » supplia-t-il presque en avançant d'un pas vers elle, se rétractant en la voyant se reculer.
« Laisse-moi tranquille. J'ai besoin d'être seule pour gérer ça. » Elle le défia du regard, ses yeux mouillés par les larmes, et Alban comprit qu'il était temps qu'il s'en aille. Il était en tort, et si elle voulait de l'espace, il lui en donnerait. Il n'abandonnait pas, mais rien ne servait d'argumenter, pas aujourd'hui...